Les web médias, jeunes, dynamiques et novateurs, ont imposé leur style dans le traitement de l’information. Aujourd’hui omniprésents sur le fil d’actualité de nos réseaux sociaux, ils ont su s’approprier la révolution des écrans. De Brut qui possède depuis 2017 un partenariat avec la chaîne France Info aux médias traditionnels qui ont désormais adopté le format des pure player, l’info est revisitée de fond en comble, pour le meilleur et pour le pire.
Le mouvement des gilets jaunes l’a prouvé, les médias s’étant le mieux adapté aux nouvelles formes de manifestations sont probablement les pure player et leurs vidéos live. Face à un mouvement très mobile, avec des revendications hétérogènes, sans représentants, quoi de mieux que de les interroger en direct et en action ? L’objectif est double, répondre à la vitesse de diffusion de l’information et aux attentes d’un public jeune, adepte du « buzz » et de l’immédiat. Cela a amené les JT de 20h à repenser leurs reportages pour se distinguer. Une chose est sûre, ce n’est pas un effet de mode mais un ancrage profond d’une nouvelle manière de faire du journalisme.
Le « consommateur » de ces pure player accède à l’information partout grâce à son smartphone. Nul besoin d’effectuer la démarche de recherche de l’information, ni même de cliquer, la vidéo se déclenche automatiquement. L’info est là, compacte et anglée. Texte et sous-titres facilitent le visionnage sans son, le séquençage et les musiques rythment la vidéo. L’homo oeconomicus est parvenu à modeler l’information à la demande tout en réduisant ses coût de production. Exposer un fait d’actualité ou divertir, on se perd parfois sur l’objectif final des pure player.
Les vidéos publiées sur les réseaux sociaux par ces médias ont appelé à repenser le format de l’interview. Si ces interviews ont permis de démocratiser la parole des acteurs de notre société, qu’ils soient artistes, politiques, chercheurs ou simple acteur d’une société civile en redéfinition, elles ont en même temps réduit leur parole à une fenêtre destinée au zapping. L’instantanéité de la vidéo, ses questions courtes/réponses précises permettent certes d’aller facilement au coeur de l’enjeu, mais au prix de la disparition des tâtonnements qui rendent si vivante une interview.
L’entretien de deux minutes face caméra par exemple se transforme en plaidoyer pour une cause. Tribune où l’objectivité est inexistante. Or, si journalisme et objectivité ont toujours été le fruit de débat, on peut au moins placer le devoir de neutralité dans la définition de l’information.
Les questions, mises en image sous forme de « cartons » ponctuant deux séquences, sont souvent très indépendantes les unes des autres et ne tiennent pas compte des réponses de l’invité. Les entretiens de Clique présentés par Mouloud Achour, d’une durée beaucoup plus longue ne font pas exception si l’on s’en tient à la succession de ses questions qui ressemblent plus à la lecture orale d’une liste de course qu’à un dialogue.
La critique d’un manque de recul et de réflexion n’est pas un phénomène nouveau. Déjà à l’apparition des chaînes d’information en continu, on questionnait leur rôle. Le changement réside dans le format et le cadrage thématique d’une vidéo. Avec des sujets consensuels, elles soulèveront rarement le débat.
Hier soir, Arte a fait la promo du documentaire « L’homme qui répare les femmes, la colère d’Hippocrate » en une vidéo de 3 minutes et 27 secondes pour résumer l’action du docteur Mukwege en reprenant des plans du films. Cette vidéo, symptomatique des formats des pure player, est à double tranchant. Celui qui la visionne peut ouvrir le lien pour visionner le film, ou il passera à une autre actu de son compte en estimant qu’il en a assez appris et néglige le film, et son « âme documentaire ».
S’informer sur des faits et une chose, mais les contextualiser pour les appréhender en est une autre. Ce n’est pas parce qu’on utilise l’image que le temps long ne doit pas primer, au contraire, tirer une vidéo de son contexte, c’est l’extraire du récit pour la dénaturer en brève. Une brève n’informe pas, elle énonce.
Montant patiemment le niveau d’un Auchan sur l’escalator avec votre caddy à vos côtés, il vous suffit désormais de lever les yeux pour visionner des vidéos Brut sur grands écrans. Alors c’est ça l’avenir de l’information ?